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On décrit ce que voient les yeux lancés loin des corps sans rien cacher sans faire de tri sans faire plus beau sans faire plus laid sans trop penser on rapporte sans aucun cadre sans dire le code sans expliquer sans rien retenir sans respirer sans articuler sans mettre la langue c’est pourquoi on risque De perdre un peu l’équilibre et c’est sans équilibre qu’on décrit ce qu’on voit on voit des corps renversés la tête en bas c’est à dire qui marchent sur les main qui dirigent leurs pieds comme des piques vers le ciel on voit Des corps qui font l’expérience du monde mis à l’envers et le sang nous monte à la tête et des gens la tête dans la terre la première des gens la tête plantée dans la terre la première des gens comme des porcs fouillant la terre meuble noire comme des bêtes des gens Sans mémoire et sans mains qui plantent leurs mots dans la terre et qui attendent que les mots gonflent germent et poussent les morts comme des verbes parmi des vers informes rompant les vertèbres du sol de terre tassée par mille pieds de folles qui foulent vers la ville en grappe deux par deux par rangées qui rient dans l’air froid les postillons qu’elle font froids se cristallisent en flocons qui fondent au contact d’autres joues chaudes rougies par le sang comme des larmes qui coulent à l’envers sur des faces retournées c’est-à-dire avec la peau dedans et la vie dehors la ville entière dédiée au cortège s’active à faire gonfler germer et pousser des pierres neuves au bout des vieilles bâtisses sans taille ni fondation pour accueillir dès à présent le cortège des folles qui va à travers les voies vides qui mènent à rien ne mènent à rien et sans doute le sait-on s’en doute quand bien même elles y vont Allant vers l’avant filent et s’attirent les unes vers les autres comme des ennuis et se serrent corps contre corps comme aux frontons de pierre on voit la grande route vide bordée de champs entiers de plaintes qui poussent à perte de vue on voit la charrette des folles qui fraie sa voie parmi les plaintes qui gonflent germent et poussent et qui va charrette vers la ville en riant joue contre joue serrées comme des sardines riant d’un seul rire pour éviter de se faire écraser et on voit au centre du groupe deux folles si serrées que la main de l’une s’insère dans les côtes de l’autre et la langue de l’une dans l’aine de l’autre et le pied de l’une dans l’oeil de l’autre et membre par membre et réciproquement et c’est ainsi qu’on passe d’un corps à l’autre dans cet étrange extra-muros où sont perdus nos yeux sur les mains nues desquels poussent des griffes toutes neuves très utiles à l’envol et en marge du cortège au bord du gouffre on dirait qu’une forme qui vomit veut apprendre à parler mais tous les yeux sont sourds et nos efforts sont vains à retenir l’ordre des mots et les ordures qui s’arrachent et chutent d’un bout à l’autre du vide comme des controverses saisies au vol par les folles sur la scène ambulante qui saisissent sous les hourras les ordures comme d’autres mammifères dans leurs immenses mâchoire sur d’autres scènes aussi voraces que les nôtres et on frappe des morceaux de bois les uns contre les autres en guise d’applaudissement et on se serre les pieds en guise de main et on fonce en guise de mouvement et on se marche les unes sur les autres en guise de terre ferme et le sang nous monte à la tête on dit qu’on n’est qu’à ça de dire une chose importante mais on voit ce qu’on voit c’est-à-dire des grappes de vies humaines qui vont vers la ville se serrant très fort de peur que quelqu’un par mégarde ou par ambition ou par gout de la farce n’invente la perspective et mette des distances entre les êtres effrayées qui tremblent sur la charrette aux planches de bois utilisée hier - c’est-à-dire c’est le bruit qui court - pour l’échafaud de quelque meurtrière condamnée à mort et qui posa sa tête aux boucles d’or sur un billot en bois de rose et d’autres bruits courent encore comme des postillons autour du grand cortège qui portent mythes et nouvelles et lettres d’amour à n’importe qui porte à la ville l’annonce de l’arrivée imminente de la scène ambulante et de son assourdissant essaim de choses importantes on voit on dirait des stocks de corps en cours de livraison tirés par une sorte de voiture invisible dont on ignore les intentions bonnes ou mauvaises dont on ignore à peu près tout le sang qui monte à leurs têtes de baudruches et gonfle et éclate à la poursuite de telle créature inconnue d’ici et maintenant une sorte de gros oiseau gris en forme de pierre et qui a perdu lors de son envol la capacité même de voler et dont le chant invraisemblable n’atteint l’oreille qu’en empruntant la voie habituellement réservée aux véhicules à chargements mauvais ou pire notamment certaines dictions certaines paroles qui finiront bien par sécher comme sèchent les plaintes à perte de vue qui se ruent depuis l’horizon et se fracassent comme supplications diverses et variées aux murs de la ville distraite avec ses guirlandes de fruits mûrs qui ont poussé sur les ronces défigurant les effigies en carton grandeur nature qui saluent l’arrivée de la foule des folles qui gonfle germe et pousse les portes sans horaire sans lieu sans rôle sans costume attitré sans précaution sans usage sans effets et sans voix et qu’on finira bien par voir venir avec ces yeux vétustes et qui ne sont déjà plus les nôtres perdus perdus perdus dans cet étrange intra-muros dans cette ville vide aux murs passables et vide même de vies perdues d’avance et que dit-on de cela hein hein ? dit-on avec tout le sérieux du monde connu qui croule sous l’évidence qui bascule au ralenti dans son unique entraille béante et fumante alors que passent en peines les folles passives les petites connes à têtes baissées les insultées qui portent leurs masques sans discernement et le sang nous monte à la tête et le sang nous monte à la chaîne et oooon commence on commence à peine à comprendre qu’on a cicatrices sur les poignets sur les yeux sur les commissures sur les mains qu’on dirait grave à l’heure on dirait l’heure est grave pour qui se souvient se soudain remémore ooooon commence à peine à comprendre qu’on est parmi les folles qu’on est parmi les choses sur la charrette en bois parmi l’or et les roses qu’on a lâché l’affaire qu’on commence à peine comprendre la suffocation l’air crispé qu’entre dans les poumons comme l’insulte et qu’attaque les poumons comme par effraction et ressort aussi vite avec son air détonateur se met à danser parmi les folles qu’on est dansante sur la charrette ne reconnaissent pas le son de l’alerte et de l’alarme coule sur ta face qu’on commence à peine à comprendre qu’on dirait qu’on bouge qu’on a pris position dans les replis d’un silence qu’on a lâché l’affaire que la charrette nous tremble que le sang nous monte à la tête que le sang nous alerte (lacune) boîtes crâniennes d’or et de rose et d’or et de rose que décuplent nos masques sertis de vide et de peur et de diamants factices et qui frappe à la porte avec ces gros poings de pierre ? les yeux de peur retournent se cacher dans les crânes et on n’y voit plus rien et qui frappe à la porte avec ces gros poings de pierre ? D’autres corps ! D’autres corps ! Dit-on avec ces voix sans timbre et sans graves et sans manifeste d’autres corps ! D’autres corps qui portent les même masques que nous et on dirait nos corps Oh ! Oh ! Et on a très très peur de toutes ces gueules exactes de silences semblables et qui enfoncent les doigts dans les trous de leurs yeux d’où sortent d’effrayantes nuées de poussières et on n’y voit plus rien et oh ! Oh ! la panique secoue très très fort nos corps qui se broient se brisent et rompent nos os de jambes qui font en craquant des bruits d’or et de rose mais qui frappe à la porte avec ces gros poings de pierre ? D’autres corps ! D’autres corps ! Qui de loin semblent morts et vus de près vivants d’autres corps et oh ! Oh ! on commence à peine à comprendre que c’est d’alerte qu’ils s’agit et que l’alarme coule ! 

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